J’ai froid, je frissonne; il faut vous dire que la table est froide, et étroite. Un simple drap me recouvre, mes pieds sont équipés de chaussons de troubadour. Je frissonne toujours. Je ne sais pas si c’est à cause de cette table si froide sous moi, ou si c’est d’émotion ?
Je suis mal réveillée ou pas encore endormie ? Je me sens lasse. Cela n’empêche pas toutes ces personnes de s’agiter autour de moi, tout en parlant entre elles, comme si je n’existais pas, ou comme s’ils ne m’avaient pas vue. Comme j’ai sommeil ! Pourtant moi qui ne peut dormir que les volets fermés, là je suis sous des projecteurs, il y en a plusieurs dans cette pièce, mais leur lumière ne suffit pas à me réchauffer, je frissonne toujours !
Je baille. Curieux d’être là sur cette table, si peu habillée, avec tous ces gens autour de moi…
Un jeune homme me prévient “ maintenant, vous allez respirer profondément deux ou trois fois , voilà comme ça, c’est bien…”
Et puis le noir total, je m’enfuis, je m’envole plutôt. Je n’ai plus froid, je n’ai plus sommeil, je n’ai plus …rien en fait ! Je ne sens plus cette table si étroite sous moi, je n’entends plus rien, peut-être que tout le monde est parti ? Je reste là, à dormir.
Au bout d’un moment, je suis tentée d’aller rencontrer des personnes que je connais bien, il y a mon grand père, et mon papa aussi, d’autres dont je ne me souvenais même plus. Ils m’invitent à les rejoindre, j’ai bien envie de discuter un peu avec eux, l’ennui c’est que si je choisis d’aller les retrouver, je ne pourrais plus les quitter. Je ne pourrai plus retrouver le cours de ma vie.
C’est le deal. Si j’y vais, j’y reste.
J’hésite un moment, mais je me décide à leur dire que je viendrai plus tard, là j’ai encore trop de choses à faire dans ma vie. Je ne peux pas aller vivre avec eux maintenant. Ce n’est pas le bon moment.
Un peu plus tard je me réveille, j’ai la gorge très sèche, parce qu’un tube est coincé dans ma bouche, c’est une sensation bizarre. Il y a toujours beaucoup de lumière, mais ce ne sont plus des projecteurs. Je suis sur une table plus confortable que tout à l’heure, mais j’ai pourtant un peu mal partout. Je voudrais bien boire un peu mais comment faire avec ce tube ? Et de toute façon je me sens plaquée sur cette table, j’ai l’impression que tous mes membres sont ankylosés, je bouge un peu mon bras. Bon ça va il se soulève un peu. Je me sens si fatiguée, mon corps est si lourd, est-ce que je me suis battue ?
Je me suis battue pour ne pas quitter la vie comme ça, j’ai encore tellement de choses à faire !
(1) Je précise que ce paragraphe est une traduction en mots de mon ressenti post op, à aucun moment je n’ai eu de souvenir précis de cet épisode. C’est plutôt comme une sensation, une sorte d’intuition…car il est vrai que j’ai toujours senti comme un « avant opération » et un « après », d’où cette conscience accrue que la vie est précieuse, et qu’il faut bien profiter de chaque moment ! Je suis persuadée que notre cerveau a gardé une trace indélébile de cet aventure lors de notre passage sous cec ( circulation extra corporelle)….
Comme je te rejoins Valérie, il est vrai que durant ces quelques minutes ou notre coeur s’est arrété de …battre il s’est passé quelque chose. Chacun à notre maniére nous avons quitté la salle avec des brides de souvenirs, un état hors des lois physiques de notre terre et chacun a pu avancer dans ce territoire inconnu…. aucun repère juste des ombres sorties de nulle par des flashs plus précis un ballet de couleurs et lumiére. Ce monde nous l’avons traversé mais nous en sommes revenus. Que ce mystère est étrange que les sensations que nous avons tous ressenties sont perturbantes. Nous avons été transformés par cette traversée, un je ne sais quoi nous acccompagne désormais je le sais je le sens…
Oui Martial nous sommes reliés par ce lien étrange, suite à ce passage étrange ? 😉